Un projet de loi favorisant un dialogue social de qualité
Le dialogue social est bien souvent vu comme un exercice formel dépourvu de sens. Or, la qualité et l’efficacité du dialogue social sont en réalité un facteur de compétitivité.
C’est dans cet esprit que le Ministre du travail François Rebsamen a invité les partenaires sociaux à ouvrir dès septembre 2014 un cycle de négociations nationales interprofessionnelles sur la qualité et l’efficacité du dialogue social en entreprise et sur l’amélioration de la représentation des salariés.
Ces négociations n’ont malheureusement pas permis d’aboutir à l’établissement d’un accord interprofessionnel comme ce fut le cas notamment pour la sécurisation de l’emploi ou la formation professionnelle.
C’est donc à la suite de ce constat d’échec que le cabinet du ministre a débuté la rédaction d’un projet de loi qui a été présenté en conseil des ministres le 22 avril 2015.
Ce projet de loi comporte 2 volets principaux : la réforme des institutions représentatives du personnel et la réforme des consultations et information du comité d’entreprise.
1- la réforme des institutions représentatives du personnel
Ce projet de loi apporte des simplifications notables en matière de fonctionnement des institutions représentatives du personnel, surtout pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui constituent le tissu économique français. En outre, elle tend à assurer une représentation adaptée des salariés en fonction de la diversité des entreprises.
A) En effet, pour les entreprise jusque 300 salariés, ce projet de loi (article 8) prévoit l’élargissement de la délégation unique du personnel (DUP), d’une part en y incluant le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et d’autre part en l’étendant jusqu’aux entreprises de moins de 300 salariés tout en préservant l’ensemble des prérogatives des instances ainsi regroupées. Ceci constitue l’avancée majeure du texte en termes de simplification.
En outre, le fonctionnement de la DUP élargie a été simplifié, notamment au niveau de l’organisation des réunions puisque :
- la périodicité des réunions ne serait plus mensuelle mais bimensuelle et les sujets relevant du CHSCT seraient abordés au moins lors de 4 des 6 réunions annuelles ;
- Le secrétaire serait commun au comité d’entreprise (CE) et au CHSCT ;
- l’expertise serait commune sur les questions relevant à la fois du CE et du CHSCT ; enfin,
- les avis seraient rendus dans les délais prévus pour le CE.
B) Concernant les entreprises de plus de 300 salariés, ce projet de loi (article 9) incite les partenaires sociaux à prendre leurs responsabilités. En effet, le projet de loi prévoit la possibilité de négocier et conclure un accord majoritaire au niveau de l’entreprise (ou de l’établissement), afin d’adapter les règles aux besoins réels de l’entreprise ou de l’établissement en matière de représentation du personnel. Ainsi, l’accord majoritaire fixerait notamment quelles instances seraient fusionnées, le nombre de représentants, le nombre minimal de réunions, les règles relatives à la fixation de l’ordre du jour et aux procès-verbaux.
Nous ne pouvons par ailleurs qu’approuver le fait que les règles relatives au fonctionnement du CE aient été, en majeure partie, transposées au CHSCT ce qui renforce la sécurité juridique pour les entreprises et engendre une réelle simplification de gestion.
Il en est de même s’agissant de la nouvelle possibilité d’organiser une réunion commune aux différentes instances et de la facilitation du recours à la visioconférence.
On peut en revanche regretter que la règle selon laquelle les consultations obligatoires peuvent être inscrites de plein droit à l’ordre du jour, n’ait été prévue que pour la DUP et n’ait pas été étendue au CHSCT. De la même manière on peut déplorer que le gouvernement n’ait pas profité de ce projet de loi de simplification pour clarifier un certain nombre de points relatifs aux budgets du CE, tels que la détermination de l’assiette de fixation des budgets.
C) Le projet de loi prévoit d’instaurer des commissions paritaires régionales pour assurer la représentation des salariés dans les entreprises de moins de 11 salariés qui représentent environ 4,6 millions de salariés. Ces commissions seraient composées de 20 membres issus de TPE (10 représentants employeurs et 10 représentants salariés) et désignés pour 4 ans.
Si l’on comprend l’idée d’instaurer une représentation, on peut s’interroger sur le réel apport de ces commissions dans la mesure où leur rôle semble limité au simple conseil aux salariés et aux chefs d’entreprise, dans un cadre régional, ce qui permet difficilement une proximité avec les intéressés. En outre, cette mission nous semble très proche de la mission actuelle de l’inspection du travail sans pour autant leur en avoir donné les moyens (par exemple les membres de ces commissions ne peuvent accéder aux locaux des entreprises).
Par ailleurs, les modalités de fonctionnement de ces commissions ne sont pas prévues dans la loi qui renvoie au règlement intérieur des commissions.
2- la réforme des consultations et informations du comité d’entreprise
Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi il existe actuellement 17 obligations d’information et de consultation récurrentes du CE et dont l’accumulation conduit souvent à saturer l’agenda social.
A) Or, bien que les obligations en matière de consultations demeurent identiques, le projet de loi prévoit (article 13) une réelle rationalisation de ces consultations par un regroupement thématique qui devrait laisser plus de place à un véritable dialogue social. Ainsi, les consultations seront regroupées en 3 grandes consultations annuelles portant sur :
- les orientations stratégiques ;
- la situation économique et financière ; et,
- la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
En outre, certaines consultations ponctuelles seraient supprimées. Ainsi, notamment, la dénonciation ou la révision des projets d’accords collectifs ne seraient plus soumis à consultation.
Enfin, le projet de loi assouplit les règles de la négociation dérogatoire dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. En effet, il n’y aurait plus de seuil d’effectif pour recourir à la négociation dérogatoire. En outre, la validation des accords par les commissions paritaires de branches serait supprimée. Cependant, il est regrettable que le projet de loi limite cette négociation dérogatoire aux thèmes dont la mise en œuvre d’un dispositif est subordonnée par la loi à un accord collectif.
B) Le projet de loi vise également à simplifier les obligations d’information périodique des employeurs. Certaines informations seraient ainsi supprimées en raison notamment du renforcement de la BDES (base de données économiques et sociales) dont le contenu serait enrichi. Ainsi, subsisterait pour les entreprises d’au moins 300 salariés l’obligation d’informer trimestriellement le CE sur :
- l’évolution générale des commandes et l’exécution des programmes de production ;
- les éventuels retard de paiement de cotisations sociales ; et,
- le nombre de contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.
Et maintenant ? A l’heure où nous bouclons, l’examen du texte par l’Assemblée Nationale n’est pas encore terminé. Nous ne pouvons donc pour l’heure qu’espérer que les parlementaires ne rompront pas l’équilibre assez précaire que ce projet de loi a su préserver. Cependant, il est fort probable qu’un certain nombre d’amendements soient déposés dans la mesure où certains syndicats ont d’ores et déjà fait connaitre leur opposition au texte. Nous devrions être rapidement fixés dans la mesure où ce texte devrait être adopté avant l’été selon le souhait du gouvernement.
Retrouvez cet article dans le numéro 58 de la revue RH&M !
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